Une femme qui apprend à surfer à 44 ans et après 3 enfants, c’était fou et je l’ai fait
J’ai aussi appris à ne pas accepter les limites qui me sont imposées par des hommes en shorts en nylon avec des imprimés bizarres. C’est mon message en cette journée mondiale de la femme 2017!
J’ai commencé à surfer à 29 ans. J’ai arrêté une demi-heure plus tard, après les trente minutes les plus longues de ma vie, qui risquaient à mon avis d’être mes derniers instants sur la planète.
C’est une histoire connue de toutes les femmes du monde.
Mon nouveau chéri m’a demandé si je voulais aller surfer avec lui. J’étais ravie. Les surfeurs étaient rares à Londres dans les années 80, et c’est son côté Baywatch si exotique qui m’a attirée vers lui. Je ne savais pas que “Tu veux aller surfer?” voulait en fait dire “Veux-tu être quasi noyée, terrifiée et humiliée, pour que je passe au-dessus de toi sur une vague magnifique et te faire comprendre que je suis un être surhumain que tu dois idolâtrer?”
Alors ce demi-dieu des vagues a commencé à hurler, “Attention! Fais gaffe!!!” au moment où je fonçais dans les rochers. Soudain j’ai fait un pacte inattendu avec un dieu quelconque –si je peux juste arriver au bord, je promets d’être un ange et je ne boirai plus jamais de tequila directement à la bouteille et je n’essaierai plus jamais de surfer. Je me fiche complètement de cette planche, je le jure!
Le “California Dreaming” s’est transformé en cauchemar –et oui nous n’étions pas à Malibu- nous étions au pays de Galles en novembre et je portais une combinaison sans manches, il y avait une grosse houle et pour couronner le tout il neigeait.
Par miracle notre relation a survécu à la session de surf, mais la cure de dégoût avait marché. Nous nous sommes mariés et nous avons déménagé sur la côte ouest de l’Irlande où il a continué à affronter les courants océaniques tout seul. Moi j’étais contente d’accepter pour un moment le rôle féminin traditionnel de “veuve de surfer”. Pendant qu’il surfait, je l’attendais sur la plage en faisant des châteaux de sable avec nos trois enfants ou bien dans le bar du coin en buvant des Guinness avec les pêcheurs.
Quand j’ai eu 40 ans, je pensais que même si je voulais réessayer de surfer, il était trop tard.
Puis nous avons déménagé à Guéthary et ça m’a complètement changé les idées. J’habitais tellement près de l’océan que je voyais les vagues de mon lit et elles entraient dans mes rêves. J’étais captivée. Je regardais les surfeurs et je me demandais: “Pourquoi je ne peux pas les rejoindre au large”?
Bien sûr qu’il y avait des raisons. J’étais une artiste de 44 ans qui n’avait jamais fait de sport de sa vie, et qui souffrait d’une phobie des vagues. En plus j’étais une femme…
Regardant les surfeurs depuis mon balcon avec un verre de rosé, j’imaginais ma nouvelle vie de surfeuse… sauf qu’il n’y avait qu’une seule femme dans l’eau.
Feuilleter les pages des magazines de surf m’a confirmé que la planète surf était un club de vieux garçons machos.
Feuilleter les pages des magazines de surf m’a confirmé que la planète surf était un club de vieux garçons et un territoire définitivement macho. Il y avait d’ailleurs une seule femme dans “Surfer magazine”. Ou plutôt la moitié d’une femme, la fameuse “Reef Girl” en string, recadrée sans tête ni pieds. “Trente ans que ça dure et on n’a toujours pas vu son visage!” annonçait avec fierté un tweet pour l’anniversaire de la pub.
Suis-je la femme idéale pour entrer dans ce monde macho des sports extrêmes et dois-je me mettre en string pour le faire? Allez je m’en fous, c’est décidé –je deviens surfeuse.
Le timing n’avait rien d’une coïncidence. Je venais de me séparer de mon mari. Après quinze ans dans le rôle de mère et d’épouse, mon identité de femme indépendante et d’artiste était devenue vague, elle s’était perdue dans le brouillard de la vie domestique.
Je cherchais une nouvelle aventure, et devenir surfeuse me semblait l’antidote parfait à mes années “mère poule”.
J’échange un tableau contre une planche dans un bar basque lors d’une bonne soirée. Dans l’ambiance 100% surf de Guéthary, où les enfants savent surfer avant de marcher, mon âge et mon sexe sont vus comme des obstacle par les autres. Il ne serait guère exagéré de dire que les gosses de 4 ans surfaient mieux que moi au début –il y avait même des chiens qui surfaient mieux que moi!
Devenir surfeuse me semblait l’antidote parfait à mes années “mère poule”.
Les réactions variaient entre “peut-être que tu devrais essayer une petite planche?” à “peut-être que tu devrais voir un psy non?”
Mais quand à plat ventre dans la mousse j’ai pris ma première vague, je suis devenue accro: je tenais debout à peine une fraction de seconde et je m’imaginais déjà la reine de Hawaii…
Je devais plutôt ressembler à une dingue criant d’extase en prenant une minuscule vague pour finir par s’échouer et faire un plat sur le sable. Mais comme on dit: “le meilleur surfeur du monde est celui qui s’amuse le plus”.
Peut-être que tu devrais voir un psy?
Mon conseil, c’est d’aller à l’eau autant que possible, de ne pas se laisser décourager par les sessions pourries –ça arrive à tout le monde et faut profiter des gamelles. C’est inévitable, alors autant tenter de le voir comme une session gratuite de thalasso, avec un bain d’algues en prime.
En plus de la poussée d’adrénaline et de la sensation de liberté que je ressens dans l’océan, le surf m’a donné énormément confiance en moi. Je vivais un moment difficile dans ma vie. Le défi de surfer à Guéthary me semblait parfois impossible, alors quand je réalise aujourd’hui que je surfe, je vois que je ne dois pas accepter les limites qui me sont imposées par des hommes en shorts en nylon avec des imprimés bizarres.
Conséquence directe, je suis en super forme pour la première fois de ma vie, alors que faire des pompes ne m’aurait pas du tout tenté si ce n’avait pas été nécessaire pour décoller du surf!
Le surf me donne confiance en moi. Face à de nouveaux défis je me dis: “Si je peux surfer sur une vague de 2 mètres, alors je peux faire ça”.
C’est devenu comme un mantra, face à de nouveaux défis je me dis: “Si je peux surfer sur une vague de deux mètres, alors je peux faire ça”.
Le plupart des mecs m’encouragent, même les plus “hardcore” parmi les chargeurs de grosses vagues, mais il reste toujours des dinosaures de misogynie. Ils regrettent avec nostalgie les jours où le surf était un refuge masculin sans aucune femme. Ils te jettent un regard qui dit “Chaque fois qu’une femme prend une vague, quelque chose meurt dans mon intérieur.”
Maintenant les femmes représentent 15% des surfeurs, mais on trouve toujours des excuses pour nous empêcher de réussir –”votre centre de gravité est trop haut, ou bien vous risquez des attaques de requins avec les règles”.
C’est un mythe de croire qu’il y a besoin d’avoir des bras comme Popeye et une masse de testostérone pour surfer –les femmes surfent aussi bien que les hommes.
Alors profitez des vagues et des gamelles, et surtout n’hésitez pas à déranger les dinosaures!